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La Proie d'une ombre
Un film de David Bruckner

Par Mathieu Victor-Pujebet

Fuir l'abîme

 

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          Après un précédent long métrage, Le Rituel, et alors qu’il s’apprête à réaliser le reboot de la saga Hellraiser, le réalisateur David Bruckner signe La Proie d’une ombre, film d’horreur qui a fait sensation aux festivals de Sundance et Deauville.

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     L’histoire est celle de Beth (Rebecca Hall), une enseignante dont le mari s’est suicidé peu de temps avant le début de l'intrigue. Alors qu’elle tente de faire son deuil, de terrifiantes visions l’assaillent nuit après nuit…

     Ce court résumé permet déjà de toucher du doigt un des éléments les plus intéressants du nouveau film de David Bruckner : le point de départ que semble vouloir explorer le film est connu. En effet, de son postulat thématique qui évoque le deuil, à son ressort esthétique qui convoque très directement une mécanique horrifique à l’ambiance et aux jumpscares à la singularité limitée : le chemin que semble emprunter le film parait éculé et très identifié. Cependant, au rythme des différentes découvertes de Beth sur la vie et la mort de son ancien mari, le scénario de Ben Collins et Luke Piotrowski s’amuse à glisser d’une thématique à une autre, avec un sens du mystère et de la narration très stimulant.

     Ainsi, d’un film de fantôme sur le deuil, l’enquête de Beth fait muer La Proie d’une ombre en un thriller paranoïaque haletant, avant que les révélations le transforment lentement en un conte d’une noirceur mais aussi d’une étonnante poésie sur la tentation de l’abime. Cette habilité et richesse d’écriture permet au long-métrage de David Bruckner de constamment renouveler l’attention du spectateur, tout en explorant des thématiques tantôt d’une âpre trivialité, tantôt d’une forte capacité d’évocation.

     Cependant, cette souplesse est plus ambivalente en ce qui concerne la mise en scène du film. En effet, malgré une technicité et une maitrise indéniable des codes contemporains du genre : la mécanique horrifique de La Proie d’une ombre reste finalement trop visible et programmatique sur toute une partie du long-métrage. Néanmoins, lorsque le scénario de Collins et Piotrowski et la mise en scène de Bruckner décident de s’éloigner un peu de la machinerie classique de l’horreur à montagne russe et commence à réfléchir son espace, son lieu et sa scénographie comme une source de terreur en soit : le film abouti à une atmosphère entre romantisme noir et une forme de ludisme du dispositif, respectivement envoutant et exaltant.

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          La Proie d’une ombre réussie ainsi à déjouer les attentes du spectateur, malgré une exploration de l’horreur qui oscille entre des propositions fortes et d’autres éculées au possible. Le film de David Bruckner n’en est pas moins une jolie proposition poétique et désespérée sur la difficulté de se défaire du néant.

 

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Titre original : The Night House

Réalisé par David Bruckner

Ecrit par Ben Collins et Luke Piotrowski

Avec Rebecca Hall, Sarah Goldberg et Evan Jonigkeit

Produit par Searchlight Pictures, Anton et Phantom Four

Durée : 110 min

Sortie le 15 septembre 2021 au cinéma

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