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The Power of the Dog
Un film de Jane Campion

Par Elisa Durier

Chevauchée au cœur de la masculinité

 

          N’ayant pas réalisé de long-métrage depuis Bright Star en 2009, Jane Campion revient sur ce format avec un film produit et diffusé par Netflix : The Power of the Dog, qui lui a valu le Lion d’Argent de la meilleure réalisatrice à la Mostra de Venise.

 

     Plongée au cœur d’un ranch du Montana en 1925. Phil (Benedict Cumberbatch), cowboy viril et rude, vit avec son frère, George (Jesse Plemons), doux et sensible. Les opposés s’attirent : les deux frères semblent avoir une relation fusionnelle jusqu’à ce que George épouse Rose (Kirsten Dunst), une veuve vivant avec son fils aux attitudes trop féminines pour ce monde macho. Rose et Peter (Kodi Smit-McFee) emménagent au ranch, et une rage perfide vient envahir Phil, faisant ressurgir des secrets enfouis qui mèneront les personnages à leur perte.

     Jane Campion nous livre avec The Power of the Dog une vision singulière du far-west. Envoûtant le spectateur, la réalisatrice joue sur les textures par des gros plans, tantôt sur les crins poussiéreux des chevaux, tantôt sur la raideur du cuir, s’attachant à ce que l’atmosphère des scènes crève l’écran. Le sentiment oppressant qui se crée au fil de l’intrigue est renforcé par un intelligent jeu de surcadrages, où seuls les paysages contemplatifs offrent une respiration toujours tronquée par les collines qui obstruent l’horizon. Tout, dans la construction de l’image, est le fruit d’une profonde réflexion. Une mise en scène chargée de sensibilité, dans laquelle les acteurs évoluent en révélant de puissantes interprétations. Si Benedict Cumberbatch incarne avec brio cette froideur hypnotisante, la détresse de Kirsten Dunst et l'ambiguë innocence de Kodi Smit-McFee ne sont pas en reste.

     Au-delà de la qualité de sa photographie, le film propose une réflexion sur une époque et ses mœurs : réflexion qui s’applique aussi bien à la singularité du far-west américain du début XX qu’à notre époque actuelle. Jane Campion aborde le sujet de la masculinité sous plusieurs angles, commençant par prendre le mâle par la racine : les bases de la loi du plus fort, incarnées par la dualité entre Phil et Peter au début du récit, vont peu à peu être remises en cause. Cumberbatch baisse les armes, et s’il reste ce cowboy exécrable avec la femme de son frère, il s’adoucit cependant avec Peter. Planant sous le mystère écrasant de la disparition de Bronco Henry, mentor de jeunesse de Phil, une relation ambiguë oscillant entre rage et désir vient s’installer entre les deux hommes, où le sous-texte de la mise en scène ne se prive pas de quelques allusions sexuelles. Se baladant entre douceur et violence brute, Jane Campion se sert du western comme prétexte à la déconstruction de la masculinité : un propos central dans notre société actuelle.

 

          Finalement, c’est à travers le règne du mystère et du non-dit que la réalisatrice vient revisiter le monde du western. Une mise en scène particulièrement ambitieuse vient servir le point de vue d’une femme cherchant à déconstruire la masculinité, dans un film virtuose qui aurait mérité sa place sur grand écran.

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Réalisé par Jane Campion

Ecrit par Jane Campion

Avec Benedict Cumberbatch, Jesse Plemons et Kirsten Dunst

Produit par See-Saw Films, Brightstar, Max Films International et BBC Film

Durée : 2h06

Sortie le 1 décembre 2021 sur Netflix

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