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OVNI(s)

Une série de Martin Douaire et Clémence Dargent

Par Mathieu Victor-Pujebet

          Cela fait maintenant plus d’une dizaine d’années que la chaine de télévision française Canal+ est un acteur régulier et inspiré de la création de série. Que ce soit avec des productions francophones (Le Bureau des Légendes, Les Revenants ou Hippocrate) ou des coproductions à l’internationales (The Young Pope ou ZeroZeroZero), la chaine de télévision a assis une certaine réputation grâce à divers succès publiques et critiques. C’est dans ce contexte qu’arrive la nouvelle série Canal+, OVNI(s), créée par Martin Douaire et Clémence Dargent et réalisée par Anthony Cordier. Un nouvel objet sériel non identifié, qui, une fois lancé, s’avère être de grande qualité.

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     L’histoire est celle d’un ingénieur spatial (Melvil Poupaud) qui suite à l’échec de son dernier projet se voit confié la direction du GEPAN, un groupe de scientifiques qui enquêtent sur les signalements d’objets spatiaux non-identifiés par la population française.

     En situant leur intrigue en 1978, Martin Douaire et Clémence Dargent décident d’épouser les codes et la plastique de toute une époque et de sa culture, et ce, en préférant toujours le pastiche amoureux à la parodie rigolarde. Idée d’autant plus séduisante qu’OVNI(s) a pour ambition de se faire rencontrer des imaginaires autour des ovnis initialement assez éloignés, quelque part entre La Soupe aux Choux et X-Files. Il ne sera ainsi pas étonnant de voir la série mimer les extravagances du Gendarme contre les Extraterrestres tout en y insufflant la poésie d’un Rencontre du Troisième Type. Malheureusement, en puisant dans ces univers antinomiques, OVNI(s) peine peut-être à trouver son ton et son rythme dès son début de saison. On le lui pardonnera volontiers tant la série procure un plaisir fou une fois que celle-ci réussi à produire son propre tempo et à s’y tenir.

     En effet, au bout de quelques épisodes, OVNI(s) réussit avec brio et énergie à jouer avec la solide caractérisation des personnages, en tirant de ceux-ci des enjeux dramatiques et émotionnels forts. Ces protagonistes, qui jusque-là semblaient superficiellement hauts en couleurs, se voient gonfler d’une densité et d’une humanité qui servira de réel moteur pour la série, donnant presque l’impression d’imposer d’eux-mêmes leur propre tempo comique, leur propre énergie. Ainsi, si son début de saison pouvait laisser présager un geste plastique riche, référencé, mais peut-être un peu vain, Martin Douaire et Clémence Dargent, accompagné par la magnifisciente caméra d’Anthony Cordier, ont eu l’intelligence de rapidement recentrer la série sur l’incandescence de ses personnages, propulsée par un casting dont l’alchimie et le dynamisme entraine d’autant plus le spectateur.

    La grande réussite d’OVNI(s) se situerait ainsi dans sa capacité à constamment revenir à l’humain, à ses enjeux personnels et sentimentaux mais également à ses questionnements. En effet, en se posant la question de la solitude de l’Homme dans l’univers, les personnages vont se rapprocher les uns des autres et peut-être s’accomplir, non pas à travers l’universalité de la problématique extraterrestre, mais plutôt grâce à l’union que permet le partage du raisonnement et de la tentative de déduction. Pour faire simple : OVNI(s) ne loue pas la croyance aveugle en n’importe quelle théorie, rationnelle ou non, qui mène au complotisme ou à la manipulation, mais elle glorifie la tentative de fouiller, de déchiffrer, de se battre pour démontrer et comprendre, ce à quoi l’on croit. Ce désir de comprendre, de communiquer, mais aussi de transmettre, irrigue la série et permet finalement un questionnement sur le rationnel, sur le démontrable, cristallisé en un geste de cinéma tout teinté de poésie.

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       En effet, l’ultime audace d’OVNI(s) va être de se permettre des décrochages narratifs d’une candeur et d’une tendresse infinie. En témoigne une séquence de chant dans un club de drag queen, une scène de décollage de sachet de thé et ou encore un tendre baiser filmé avec douceur. C’est à travers ces instants d’entre-deux, jointures solaires d’une intrigue qui l’est tout autant, que la série livre ses plus belles émotions. On pourrait alors regretter le départ en demi-teinte d’OVNI(s), mais ce serait gâcher le portrait d’une série qui nous réserve des moments d’une grâce infinie durant le reste de sa saison.

 

Une série de Martin Douaire et Clémence Dargent

Réalisé par Anthony Cordier

Ecrit par Clémence Dargent et Martin Douaire, avec la collaboration de Julien Anscutter, Marie Eynard, Clémence Madeleine-Perdrillat et Raphaëlle Richet

Avec Melvil Poupaud, Michel Vuillermoz, Géraldine Pailhas, Daphné Patakia

Produit par Montebello Productions et Canal +

Durée : 360min environ (30min×12)

Diffusée à partir du 11 Janvier sur Canal + et disponible en Svod sur MyCanal

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