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Spider-Man : No Way Home
Un film de Jon Watts

Par Mathieu Victor-Pujebet

Eternel retour aux sources

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[cette critique ne dévoile pas d’information supplémentaire sur l’intrigue du film autre que celles dévoilées dans sa campagne promotionnelle]

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          Après une première trilogie live action réalisée par Sam Raimi entre 2002 et 2007, deux films dirigés par Marc Webb entre 2012 puis 2014 et un long-métrage animé sortie en 2019 : Spider-Man s’est vu attribué, suite à un partenariat entre Sony et Disney, une nouvelle adaptation incluse dans le Marvel Cinematic Universe. Cette nouvelle génération, après deux longs-métrages inégaux, se voit prolongée par un troisième volet, toujours réalisé par Jon Watts : Spider-Man : No Way Home.

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     Après que Mistério ait révélé au monde entier la vraie identité de Spider-Man, celui-ci doit faire avec les nouvelles règles de son inédite notoriété. La situation devenant trop lourde pour les épaules de l’homme araignée, le super-héros fait appel à Docteur Strange pour lancer un sort qui fera oublier au monde cette récente révélation. Le sort tourne mal et des ennemis aux visages connus de Peter Parker font leur retour.

     En mixant les différents univers et adaptations de Spider-Man au cinéma par le multivers, ce troisième volet de la nouvelle trilogie avait de quoi rompre avec l’inconséquence des deux précédents opus. Cependant, c’est à un nouvel écran de fumé auquel nous avons affaire. Les retours des vilains des précédents films ne sont ici utilisés que comme gags triviaux et/ou stimuli nostalgiques, et trop rarement comme moteur de l’action ou d'enjeux dramatiques. Ils ne sont que répliques rigolotes et clins œil poussifs, sans personnalité, développement ou impact. Exception notable : le bouffon vert de Willem Dafoe est placé de fait comme un personnage plus complexe que ses comparses, mais reste cependant un antagoniste mécanique, loin du poids qu’avait le Norman Osborn du Spider-Man de Sam Raimi. Ces retours ne sont donc que gadgets paresseux, témoignages d’un film qui n’a pas grand-chose à faire de l’univers qu’il convoque.

     Et si un plaisir éphémère peut être tiré d’un ou deux échos et résonnances avec les autres longs-métrages, la pure indifférence des techniciens qui ont fabriqué ce film est aussi contagieuse qu’elle se retrouve à quasiment tous les niveaux de son artisanat. De l’écriture fan-service poussive déjà évoquée à l’indigence technique qui force le respect pour une production réalisée à une échelle de 200 millions de dollars : No Way Home n’a que faire d’un quelconque savoir faire technique et théorique qui en ferait un divertissement envolé et spectaculaire. Les effets numériques sont inégaux, parfois même en dessous de ceux qui datent des films de Sam Raimi - du début des années 2000. Il en est de même pour la photographie dont la texture numérique fade rend l’image tout à fait inoffensive et sans impacte. Sans parler du découpage et de la mise en scène, qui hormis quelques exceptionnels – au sens de rares, pas de mémorables – sursauts restent d’une platitude exemplaire.

     Un film qui n’est donc pas intéressé par son univers, ni par sa générosité : mais alors, que motive ce Spider-Man No Way Home ? Un plaisir éphémère devant un produit qui ne cherche qu’à être un doudou nostalgique, mais qui n’est en réalité qu’une sous-copie de précédentes créations à succès. En témoigne une conclusion où le personnage de Peter Parker comprend enfin – après trois films aux durées supplantant toutes les deux heures et dix minutes – que ses actes ont des conséquences. Il se retrouve alors, en conclusion, à l’exacte même place que les deux précédents Spider-Man dans les films de Raimi et Webb : seul, dans un appart miteux. Mais pas ici d’élan de maturité et de renouvellement du film, juste un éternel recommencement qui ne fait que nous ramener au doux et confortable souvenir d’un passé disparu.

 

          Et le public en redemande. Le retard pris dans la rédaction de ce texte a donné la possibilité de constater le délirant succès de Spider-Man: No Way Home, qui, à l’écriture de ces lignes, à déjà dépassé le milliard et demi de dollars récoltés dans le monde. Un succès certes aidé par une promotion frénétique mais aussi dû à un bouche à oreille glorieux. Une victoire de l’homme araignée qui démontre encore que, malgré le je-m’en-foutisme de son studio que l’on constate par la flemmardise de l’écriture et l’indigence technique du film, Disney a réussi à donner ce qu’ils veulent aux spectateurs du monde entier : pas le film qu’il nous fallait, mais un énième film que nous méritons.

 

Réalisé par Jon Watts

Ecrit par Chris McKenna et Erik Sommers

Avec Tom Holland, Zendaya et Benedict Cumberbatch

Produit par Marvel Studios, Columbia Pictures et Pascal Pictures

Durée : 148 min

Sortie le 15 décembre 2021 en salles

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