Quand il ne reste que des images

​

​

          Acteur de renommée mondiale mais aussi poète, musicien, photographe, peintre, producteur et maintenant réalisateur et scénariste : Viggo Mortensen est un artiste complet, un fin penseur et un travailleur de forme qui n’a cessé d’explorer de multiples façons de transmettre une émotion et/ou une pensée. Passionné de cinéma, il était ainsi tout naturel, et excitant, de voir ce multi-artiste passer derrière la caméra avec un premier long-métrage en tant que réalisateur : Falling.

​

     L’histoire retrace la relation conflictuelle entre John (Viggo Mortensen), pilote homosexuel qui vit à Los Angeles, et son vieux père homophobe, conservateur, et atteint de démence : Willis (Lance Henriksen) …

     Un vieil homme, assis sur une plage à Los Angeles, se projette dans sa campagne américaine. Au lieu de voir le va-et-vient incessant des vagues, il imagine sa main caresser les hautes herbes… Il existe comme une lutte constante dans Falling, une tension entre deux mondes qui tentent de cohabiter tout en sachant que l’un d’eux est sur le point de disparaitre. À travers ce beau long-métrage, Viggo Mortensen n’a ainsi pas pour unique projet de peindre le rapport entre un père et son fils, mais bel et bien de questionner une perception d'un monde, celle d’un vieil homme qui s’approche de la mort. Le tendre regard de sa femme, l’élégance d’une fumée de cigarette, la grâce du vent qui balaie l’herbe de la campagne américaine : atteint de démence, ce sont les souvenirs de Willis qui sont son dernier rempart contre la peur de la mort, et qui viennent rythmer un récit tout en digression vers le passé du personnage. Véritable boulevard de possibilités de mise en scène, Mortensen se donne à cœur joie de tisser, avec un élégant minimalisme, des liens entre présent et passé, comme un moyen de faire vivre ce temps révolu à travers les souvenirs que le présent nous en évoque.

     S’accrocher à ses souvenirs comme à un monde en perdition : Falling raconte ainsi l’histoire d’une lutte d’un homme qui ne fait plus partie du monde, un anachronisme qui ouvre ainsi une strate politique au film en donnant à voir deux visions distinctes de l’Amérique, ou plutôt l’agonie destructrice d’une d’entre elles, devenue caduque. Néanmoins, la réussite du film de Mortensen tient au fait qu’il ne s’abandonne jamais au jugement ni au tract. Il n’est ainsi jamais question d’une dénonciation surplombante, ni d’une veillée funèbre mal venue, mais bel et bien d’une peinture sensible d’un monde entré en désuétude.

​

            Finalement, même si l’on pourrait regretter un final qui s'étend un peu trop, la tendresse de Falling dépasse ces accrochages et installe d’ores et déjà Viggo Mortensen comme un cinéaste prometteur.

 

Réalisé par Viggo Mortensen

Ecrit par Viggo Mortensen

Avec Lance Henriksen et Viggo Mortensen

Produit par Perceval Pictures, Ingenious, HanWay Films, Scythia et Zephyr Films

Durée : 112min

Sortie le 19 mai 2021 au cinéma