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Borat, Nouvelle Mission Filmée

Un film de Jason Woliner

Par Mathieu Victor-Pujebet

          En 2006, Larry Charles réalise le documenteur Borat : Leçons culturelles sur l'Amérique au profit glorieuse nation Kazakhstan, sous l’impulsion de Sacha Baron Cohen qui le produit, en co-écrit le scénario et interprète le rôle principal, dans le but de secouer les Etats Unis et de révéler les travers obscurantistes d’une société malade où racisme, misogynie et sauvagerie sont de mises. Près de 15 ans plus tard, l’acteur américain revient avec un film tourné dans le plus grand secret et une sortie en toute urgence sur Amazon Prime deux semaines avant les élections présidentielles américaines : autant dire que la visée de Borat, Nouvelle Mission Filmée est éminemment politique et que c’est ce qui en fait toute sa saveur.

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     L’histoire est celle du retour du reporter Kazakh, Borat (Sacha Baron Cohen) aux Etats Unis où il va tenter d’offrir un cadeau au vice-président Mike Pence pour restaurer la gloire de son pays…

     Et si ce retour pouvait effrayer certains, qu’ils soient rassurés : Borat, Nouvelle Mission Filmée n’a rien perdu de la force de corrosion de son prédécesseur, c’est même l’inverse. En effet, là où le personnage du reporter Kazakh servait, dans le premier film, de révélateur d’une Amérique obscurantiste et de ses travers cachés sous sa fierté nationale, aujourd’hui ces outrances sont assumées et presque prônées, glorifiées : la vulgarité et le conservatisme se sont invités à la maison blanche et font à présent parties de la fierté nationale des États-Unis, de son système. Et là où le film est passionnant, c’est qu'il prend en compte cette mutation, le personnage de Borat ne sera ainsi plus un révélateur mais un catalyseur, une étincelle qui sera source de friction et donc, d’explosion. Borat, Nouvelle Mission Filmée n’est donc plus un portrait sous acide d’une Amérique décadente, mais un jeu de massacre délirant et drolatique où la société conservatrice, le système politique dément de Trump et le puritanisme paradoxal est véritablement atomisé par un scénario qui multiplie les situations provocatrices non seulement pour mettre le nez de cette Amérique dans son inconscience et sa folie, mais surtout pour rire d’elle et de ses travers. 

     Misogynie, antisémitisme, avortement, scandale sexuel et même la réaction des dirigeants face au Covid-19 (le film a été tourné cet Eté) : Borat, Nouvelle Mission Filmée est sans pitié et relève parfois de la provocation adolescente mais reste d’une transgression tout à fait exaltante et passionnante. Et ce qui est tout aussi passionnant dans le filmé de Woliner c’est que l’équipe prolongé le dispositif du premier film, certes en le transformant en tract politique d’une violence folle, mais aussi en y insufflant quelques jolies touches de douceur et non pas simplement avec la relation relativement superficielle que Borat entretient avec la protagoniste principale féminine mais plutôt à travers quelques personnes/personnages dont la bonté transparaît à travers ce récit satirique. On pourrait citer la femme qui transmet à Tutar sa fierté en tant que femme mais aussi et surtout la grand-mère juive dont le discours est d’une bienveillance très belle (dont l’histoire est disponible en une vidéo bonus sur la même platform de SVod) : comme pour le premier film il est difficile de dire ce qui a été improvisé et ce qui ne l’a pas été, mais de cette ambiguïté naît un certain attachement pour ces figures passagères du récit. Quoi qu’il en soit, le scénario de Sacha Baron Cohen et de sa troupe réussi à transformer ces imprévus, ces individus du quotidien en personnages, plus ou moins extravagants, plus ou moins comiques, et même si ce n’est pas un geste de cinéma incroyablement neuf, il atteint ici un niveau d’incandescence assez merveilleux. 

 

          On pourra évidemment regretter qu’à force de vouloir pousser les compteurs au maximum tout le long du film celui-ci s’essouffle parfois, en reste un objet de cinéma passionnant, assumant complètement son versant politique pour mieux tout faire exploser avec une exaltation et subversion dingue. 

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Réalisé par Jason Woliner

Ecrit par Sacha Baron Cohen, Peter Baynham, Anthony Hines, Dan Mazer, Lee Kern

Avec Sacha Baron Cohen et Maria Bakalova

Produit par Four by Two Films

Durée :  1h36

Sortie le 23 Octobre 2020

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