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Brutus VS César

Un film de Kheiron

Par Mathieu Victor-Pujebet

          Après ses débuts dans le Jamel Comedy Club, Kheiron a gentiment amené un vent de fraicheur dans le paysage du divertissement français avec deux films qui ont réussi à imposer, si ce n’est un style, une personnalité à la création de son auteur. Nous Trois ou Rien et Mauvaises Herbes ne promettaient pas une œuvre déjà indispensable, ni même sans défauts, mais suggéraient un futur catalogue plein de tendresse et d’idées. Cependant, après les chamboulements que l’on connait à notre sombre période : le troisième long métrage du cinéaste, Brutus Vs César a vu sa sortie en Juillet 2020 décalée jusqu’au rachat du film par Amazon qui le diffuse à partir du vendredi 18 Septembre sur sa plateforme de SVoD Amazon Prime, et cet imprévu est accompagné de la plus grande des tristesses face au constat d’un échec complet, aussi bien plastique, dramatique que comique.

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     L’histoire est celle de Brutus, fils de César, un homme seul et abandonné qui va rapidement se faire emporter dans un complot qui vise à assassiner son père…

            Parce que comme cité plus tôt, le cinéma de Kheiron n’a rien réinventé : le cinéaste se contentait jusque-là de raconter des histoires qui le touchaient, et ce, de la manière la plus sincère et drôle possible. On pouvait y observer un certain sens du tempo comique avec une écriture des dialogues assez maligne et une envie de narration par l’image qui permettaient de jolis élans de mise en scène et d’émotion qui reflétaient, si ce n’est un sens du romanesque, un premier degré et une envie d’histoire et de récit assez touchante et sincère. Cependant ici rien ne va plus, l’ensemble est écrasé par une ambition bien trop lourde pour, au mieux, le budget du film, et au pire, le talent du metteur en scène. En effet, difficile de ne pas penser à l’impressionnant Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre tant le long métrage de Kheiron semble vouloir s’inscrire dans la démarche de celui d’Alain Chabat. Le problème que ça pose c’est que le film culte de 2002 bénéficiait du budget colossal de 50 millions d’euros tandis que Brutus Vs César bricole avec moins de 8 millions. En résulte un film plastiquement abominable, d’une laideur et d’une mollesse assez embarrassante. En témoigne un climax qui se voudrait être une séquence d’affrontement intense et folle mais qui enferme ses personnages dans un lieu clôt, qui plus est mal découpée et scénographiée, rendant ce pic émotionnel anti-spectaculaire et d’une platitude exemplaire, camouflant à peine deux premiers tiers tout aussi mous et éteins.

            Et comme si cet échec dramatique n’était pas suffisant, la promesse humoristique n’est, elle non plus, pas tenue. Le sens de la rythmique et le talent de dialoguiste de Kheiron semble ici inexplicablement absent, laissant une galerie de personnages à leur caractère archétypal et à quelques répliques qui tombent hélas toutes à l’eau. Ces personnages, que le scénariste et metteur en scène a pour projet d’introduire par l’humour avant de leur insuffler du poids et du drame, sont en effet trop nombreux pour avoir du corps, et trop archétypaux pour attirer une vague implication du spectateur durant deux bons tiers du film. Un troisième tiers tentera d’injecter et d’élever le peu de cœur introduit dans ces personnages afin de donner un peu de densité et de force à l’ensemble, voire peut-être de réveiller la candeur et l’innocence caractéristique du cinéma de Kheiron, mais en vain. Le château de carte s’écroule alors sous les coups d’un scénario trop mécanique qui dépasse joyeusement la frontière de la niaiserie, ce qui menaçait déjà les deux premiers films du cinéaste.

            

          En reste donc le cadavre de la candeur de l’univers du metteur en scène, écrasé par une machine qu’il ne maîtrise pas, et c’est bien dommage. Sauvons la lumineuse Lina El Arabi et espérons que la carrière de Kheiron survivra à ce naufrage d’une tristesse infinie.

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Réalisé par Kheiron

Ecrit par Kheiron

Avec Kheiron, Thierry Lhermitte, Gérard Darmon

Produit par Paiva Films et Films du Centaure

Sortie le 18 septembre 2020

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