Par Antoine Barillet

          Co-fondateur du Dogme 95 avec son ami Lars Von Trier, Thomas Vinterberg a une filmographie qui s’est bien éloignée des préceptes mis en images dans Festen. Pourtant, depuis son second long-métrage, Vinterberg ne cesse de mettre à nu la psyché et les fragilités de ses personnages. Ainsi, 6 ans après le sublime La Chasse, le réalisateur retrouve Mads Mikkelsen pour un nouveau tour de force imbibé d’alcool, d’émotion et de subversion.

     Drunk raconte l’histoire de quatre professeurs de lycée qui mettent en pratique une théorie d’un psychologue Norvégien selon laquelle l’Homme devrait vivre avec une constante de 0,5 gramme d’alcool par litre de sang. Si l’expérience est un succès, elle montre aussi très vite ses effets néfastes sur le corps et l’esprit.

     Il n’est pas peu dire que le dernier Vinterberg était vivement attendu. Le réalisateur réunit ses acteurs fétiches (Mads Mikelsen, Thomas Bo Larsen, Lars Ranthe…) dans un film subversif, juste et organique. Le film s’ouvre sur une séquence de grand jeu d’alcool consistant en une course ponctuée de culs secs de dizaine de bouteilles de bière. Colorée, rythmée et dynamique, cette scène donne le ton du film. S’ensuit ensuite traditionnellement le portrait rapide des quatre protagonistes (un prof d’histoire, un de psychologie, un de musique et un de sport). Si le film met un peu de temps avant de trouver son rythme, il se lance réellement lors d’une scène de dîner durant laquelle l’expérience est proposée afin d’en faire une thèse et de combattre les problèmes de Martin. À la manière de ses quatre amis qui commencent par réaliser une expérimentation méthodique, Vinterberg filme les actions de façon très documentaire tout en laissant exprimer son côté « rock » dans les scènes d’ivresses, toutes ponctuées d’une bande originale pop-rock-électro parfaitement choisie. Toute la première partie du film est rayonnante, un élan de vie magnifié par l’image, quasi onirique comme la scène du match de football presqu’entièrement filmée en contre-plongée avec une lumière éclatante. Vinterberg réussit le pari de faire ressentir au spectateur l’euphorie que provoque l’alcool à ses personnages. L’expérimentation va jusqu’à atteindre l’ivresse maximale, point critique qui délie les langues, provoque des conséquences dévastatrices et irréparables. Cependant le réalisateur ne tombe pas dans la facilité en diabolisant ou en applaudissant l’alcool. Il loue et dénonce en même temps les effets de l’alcool, de manière fictionnelle mais quasi-documentaire, émotionnelle, lumineuse et sombre. Vinterberg réalise surout un film hommage à la vie, sur le désir même de vivre, de s’éloigner du stress quotidien et de la sagesse dans laquelle chacun s’enferme en vieillissant… même si ce désir peut entrainer des conséquences tragiques.

     En cela, le réalisateur met sur un même niveau deux générations, toutes deux emportées par ce même désir de vivre sublimement mis en scène durant la dernière séquence du film : une danse individuelle et collective, imbibée d’alcool, sortant Martin de l’anxiété et la sagesse, une danse de Liberté.

          Drunk est une grande réussite. Un film d’une réalité crue, à l’image non stylisée mais belle et juste, laissant percevoir une palette d’émotion allant du rire à la tristesse. Jamais moralisateur, Vinterberg signe une sublime ode à la vie, tantôt euphorique tantôt malheureuse, incarnée par quatre acteurs formidables.

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Réalisé par Thomas Vinterberg

Ecrit par Thomas Vinterberg et Tobias Lindholm

Avec Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Lars Ranthe

Produit par Zentropa Entertainments

Durée :  1h55

Sortie le 14 Octobre 2020