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Ema

Un film de Pablo Larrain

Par Jules Richard

          Nouveau projet de Pablo Larrain, le réalisateur chilien, après le très joli biopic Jackie sorti en 2016, revient au cinéma avec un nouveau portrait d’une femme enflammée. Ce film hypnotique nous plonge en cette fin d’été dans un spectacle artistique, mêlant poésie et une esthétique visuelle magnifique. En explorant la vie d’une danseuse chilienne, pyromane à ses heures perdues, Pablo Larrain vient nous livrer à l'écran une représentation qu’il sublime par la colorimétrie ambiante.

 

L’histoire est celle du personnage d'Ema, une jeune danseuse de Reggaeton mariée au chorégraphe de sa troupe. Ils vont adopter un enfant, cependant ils vont être contraints de le laisser partir après que celui-ci commet une bêtise irréparable...   

     L’action débute sur le plan d’un feu de circulation prenant feu, suivi d’un plan sur le personnage d’Ema portant un lance-flammes. En commençant avec cette scène le film montre tout son potentiel photographique, en proposant un visuel éclatant ainsi qu’en introduisant à l’écran sa protagoniste. Le film baigne dans un univers artistique, formidablement mis en scène avec notamment plusieurs scènes de danse, filmées en plan-séquence (petit rappel à Climax de Gaspar Noé). L’intrigue nous plonge dans les méandres d’un couple, dont les protagonistes se détruisent mutuellement au fur et à mesure de la progression du récit. La figure du feu, figure de proue du métrage, au centre du conflit (leur enfant adoptif ayant brulé le visage de sa tante) va accompagner Ema tout au long de l’histoire. Ce feu d’un rouge éclairant symbolise les traits de l'héroïne : la liberté, la passion, la danse… D’ailleurs la première représentation artistique du film est illuminée par un soleil rouge, synonyme du feu qu’elle porte en elle. Mais ces flammes viennent également symboliser la destruction progressive du couple avec des parties de violence psychologique entre les deux amants. Ce feu incandescent assiste et suit Ema dans sa quête de liberté et de retrouver son fils. 

     Le film est porté par la performance Mariana Di Girólamo dans le rôle de Ema. Portrait d’une femme envoutante, stratège, séductrice... Ema est captivante par le prisme de la caméra. Elle incarne la mère guerrière qui ferait tout pour récupérer son fils. Mais la mise en scène permet aussi de se rapprocher du personnage. Constamment en mouvement, articulant son corps dans des mouvements de danse. Cet aspect de création artistique chez elle vient se mettre en opposition avec son énorme potentiel de destruction. Que ce soit la destruction du couple, ou bien celui de brûler des objets avec son lance-flammes. La réalisation entière se tourne autour de la protagoniste, constamment au centre du plan. Symbole d’une femme libre, elle va étendre cette liberté avec son groupe d’amies danseuses qui vont arpenter les rues, s’amusant ensemble à bruler tout ce qui leur passe devant. Le film détient quelque chose de très chaotique, mais à part le fil conducteur qui est de retrouver l'enfant perdu, on avance dans l’inconnu. Chaque scène devient une découverte, le montage rythme le film pour le faire devenir une mystérieuse aventure qui part de plus en plus dans la déchéance du couple. Cependant, on comprend par la liberté sexuelle des personnages du récit que le couple ne semble pas être une union classique mais bien une union libre. La danse occupe une place importante que ce soit dans le récit ou dans la vie d’Ema. L'esthétique du film se manifeste par sa colorimétrie mais aussi par des scènes dansantes, qui entrecoupent le développement de l’intrigue, ce qui renforce l’idée de liberté par le mouvement mais aussi l’originalité de la mise en scène

 

Ema est un film qui m'a personnellement troublé : je trouve que c’est un film particulièrement sensoriel, j’ai du mal à trouver mes mots pour exprimer ce que je ressens face à cela. Car malgré des longueurs, le film reste néanmoins une des plus belles découvertes de 2020, déroutant de par l’interprétation de l’actrice principale. Mais aussi par cette ambiance ensorcelante marquée par l'esthétique du film mais surtout par ces scènes de danses que j’ai trouvées d’une simplicité captivante. Ema est donc sans conteste pour moi un film à impérativement voir cette année, proposant une figure féminine charismatique, une mise en scène ingénieuse, sublimée par un travail troublant autour de la colorimétrie qui crée une œuvre bouillonnante d’émotions.   

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Réalisé par Pablo Larrain

Ecrit par Pablo Larrain, Alejandro Moreno, Guillermo Calderòn

Avec Mariana Di Giròlamo et Gael Garcìa Bernal

Produit par Fabula Productions

Durée : 1h42

Sortie le 2 septembre 2020

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