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Filles de joie

Un film de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich

Par Antoine Barillet

          À peine sorti du confinement, Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich nous invitent à suivre trois femmes d’un milieu modeste dans une maison close en Belgique. Nombres de réalisateurs ont abordé frontalement la prostitution au cinéma (une prostitué de classe haute chez Ozon dans Jeune et Jolie ou encore les prostitués transsexuelles dans Tout sur ma mère chez Almodòvar pour ne citer qu’eux). À côté de ces films portés par le style et la personnalité de leur réalisateur, ces Filles de joie nous laissent un goût fade…

 

Filles de Joie raconte l’histoire de trois femmes Alex (Sara Forestier), Dominique (Noémie Lvovsky) et Conso (Annabelle Lengronne) qui se retrouvent tous les matins et prennent la route pour une maison close de l’autre côté de la frontière belge où elles deviennent Athéna, Circé et Héra.

Le film est découpé en trois parties : la première se concentre sur Alex, la seconde sur Conso et la dernière sur Dominique. Ce qui unit bien évidemment les trois femmes c’est la prostitution mais aussi un meurtre. Dans la première séquence du film, sous la pluie, les trois femmes enterrent un corps. À notre plus grande (bonne) surprise, le film commence comme un drame aux airs de thriller mais malheureusement abandonne très rapidement cette piste pour retourner vers un récit bien plus polissé. Le film cherche surtout à montrer des femmes fortes prêtes à tout pour protéger leur famille mais jamais nous ne ressentons l’urgence de la précarité qui expliquerait pourquoi elles se prostituent. Finalement on a l’impression que ces trois femmes se prostituent seulement parce qu’elles sont de petite classe moyenne (ou alors comme Conso parce qu’elle adore le sexe), d’ailleurs filmée avec un léger dédain (Alex qui n’arrive pas à gérer ses enfants à la maison, des éviers remplis de vaisselles, Dominique mère hystérique…). S’il aborde des thèmes forts (prostitution, drogue, viol, crise d’adolescence, la famille…), le film ne les développe pas assez pour que le spectateur s’implique vraiment à cent pour cent, à l’image des personnages principaux qui ne sont pas suffisamment développés pour qu’on s’y attache.

Enchaînant les scènes glauques, le film déploie tout le misérabilisme qu’il peut en gardant une pointe lumineuse dans la relation entre les trois femmes. Malheureusement ce mélange mal équilibré ne fonctionne pas, à l’image de la fin du film aussi prévisible que dénuée de tout sens. 

Filles de joie n’est néanmoins pas dénué de points positifs : l’image qui tout comme le récit oscille entre sombre et lumineuse est bien travaillée (les scènes de sexe crues sont filmées avec beaucoup de sensualité) et la bande-originale électronique est certes peu originale mais elle fonctionne bien avec les séquences « clips » comme celle du pole dance de Conso. Le film se tient surtout grâce aux superbes interprétations des trois actrices et à la relation très forte qui unit les personnages. 

 

          Trop inégal, Filles de joie aurait pu être la bonne surprise de la reprise des cinémas si sa réalisatrice et son réalisateur avaient unifié et concentré leur récit. À vouloir mettre tant de misérabilisme pour toucher le spectateur, celui-ci devient hermétique à tout ce que propose Filles de joie (de ses traits d’humour à ses aspects politiques et féministes).

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Réalisé par Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich

Ecrit par Anne Paulicevich 

Avec Sara Forestier, Noémie Lvovsky, Annabelle Lengronne, Nicolas Cazalé, Jonas Bloquet

Produit par Versus Production, les Films du Poisson et Prime Time

Durée : 1h31

Sortie le 22 Juin 2020

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