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Été 85

Un film de François Ozon

Par Antoine Barillet

          Face à la puissance émotionnelle, la gravité et l’engagement du récit, et la maîtrise de mise en scène que représente Grâce à Dieu, on pouvait légitimement se demander ce qu’allait nous réserver François Ozon. Après l’expérience compliquée qu’a pu représenter la sortie de son Grâce à Dieu – le procès du père Preynat était toujours en cours – le réalisateur a voulu mettre un scène un film plus léger, moins grave, mais pas sans intensité.

 

Été 85 raconte la rencontre, l’amitié et l’amour entre Alex et David, le temps d’à peine un été au Tréport. François Ozon a choisi d’adapter « La danse du coucou » d’Aiden Chambers sorti en 1981, livre qu’Ozon a d’ailleurs lu en 1985 quand il avait 17 ans.

Le film s’ouvre sur Alex emmené par un gendarme, qui nous raconte en voix OFF les souvenirs de son été 1985 et ce qui l’a conduit à être arrêté. Dès le début le spectateur est prévenu, le film raconte une histoire d’amour et de mort. Le ton du film est alors donné et sa construction aussi : les images de son été seront entrecoupées de séquences au présent dans lesquelles une éducatrice essaye de comprendre ce qui a encouragé l’acte d’Alex, et de phrases en voix OFF de ce dernier qui éclaire le spectateur sur ses pensées du moment.

Si la narration peut sembler classique, ce n’est pas un point négatif puisqu’elle permet à François Ozon de développer un récit clair et riche et de le mettre en scène d’une manière parfaite. Ozon sublime les corps de ses deux acteurs, tout est question de sensualité, de rencontre physique et émotionnelle, de désir, renforcé par l’utilisation du super 16 qui exalte toutes les couleurs de l’été.

Un point intéressant est que François Ozon ne fait pas un film sur l’amour homosexuel, mais simplement sur l’amour, la rencontre et le désir de l’autre. Le fait que la relation soit homosexuelle n’est pas problématisé, cela aurait pu être une relation hétérosexuelle. Ozon fait le film des premières fois, dans lequel il montre la naissance du désir et l’accaparation de l’objet de ce désir, comment il peut être trompeur et nous faire aimer l’idée qu’on s’est faite de la personne et finalement pas la personne qu’elle est vraiment.  Néanmoins, ce n’est pas pour autant qu’Ozon se détache des problématiques sur l’homosexualité ; il les incorpore seulement subtilement au récit et d’une manière si naturelle qu’elles résonnent bien plus. En effet, il place son film en 1985, année où le SIDA frappe beaucoup les jeunes gays en pleine découverte sexuelle ; il développe les relations de famille entre un père homophobe qui aime pourtant son fils et l’ombre d’un oncle homosexuel, figure de liberté mais aussi d’ostracisme.

En développant son récit de manière très fluide, François Ozon met en scène la relation entre deux jeunes garçons aux visions de la vie différentes et qui ne vivent pas au son de la même musique (illustré par une belle reprise de la scène du walkman dans la discothèque de La Boum) : David vie dans le présent, il veut jouir de la vie à chaque instant, Alex est plus réservé, sentimental et se pose beaucoup de questions. 

Finalement, Été 85 est le film où se rejoignent le plus de thèmes de François Ozon : le travestissement dans Une nouvelle amie, la sépulture dans Frantz, et plus généralement la mort qui plane sur la vie et qui fait ressortir les plus beaux – ou mauvais – moments d’extase.

 

          Malheureusement, les membres de l’équipe d’Été 85 n’ont pas pu monter les marches de Cannes et c’est bien dommage. Le film fait quand même parti de la sélection Officielle Cannes 2020 pour notre plus grand plaisir. Un film rayonnant avec sa part d’ombre, qui souffle comme un vent de fraîcheur, interprété magnifiquement par ses deux acteurs principaux – Félix Lefebvre et Benjamin Voisin - et subliment mis en scène. Mais surtout un film qu’il faut aller voir au cinéma dès maintenant.

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Réalisé par François Ozon

Ecrit par François Ozon

Avec Félix Lefebvre, Benjamin Voisin, Philippine Velge, Valeria Bruni Tedeschi

Produit par Mandarin Production et Scope Pictures

Durée : 1h40

Sortie le 15 Juillet 2020

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