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Found Footage : fiction réalité

Par Sacha Cerqui

          Si on parle de sous-genres, le found footage retient sa place importante dans l’histoire du cinéma moderne. Non seulement il influence des centaines de films, mais il donne aussi jeu à de nouvelles possibilités qui facilitent l'entrée dans la création audiovisuelle. Mais qu’est-ce que c’est le found footage, et quelles œuvres ont influencé ce genre ?

 

Le found footage est un sous-genre dans lequel, comme son nom l’indique, le contenu aurait été découvert, impliquant que tout ce qui est filmé est réel. Le film est généralement tourné avec une ou deux caméras au maximum, en se rapprochant du style visuel du documentaire. Ce style est facilement reconnaissable grâce à son approche très simpliste de la photographie qui joue souvent avec lumières naturelles, des mouvements de caméra sans stabilisateurs, ou des zooms la plupart du temps très secs. On observe aussi un montage qui agence seulement les différentes scènes ensembles, restant toujours très simple pour avoir l’illusion d'observer un rush. Le found footage apparaît dans tous les genres comme la comédie, la science-fiction ou le drame, mais il est plus caractéristique dans l’horreur.

 Ce sous-genre permet une grande liberté créative car il développe le film sans avoir des grands coûts de production ; Plus besoin de beaucoup d'équipements ou d'énormes équipes de tournage ce qui baisse drastiquement le budget nécessaire. Il est souvent utilisé par des réalisateurs qui font leurs premiers films en leur permettant d'évoluer dans l’espace du cinéma. Ainsi, on peut dire que le found footage peut naître d’un besoin, même si souvent il reste le fruit d’une expression stylistique.

 S’il est vrai qu’on fait la liaison entre le found footage et le documentaire par son approche à la réalité, la différence est que le found footage se base sur la fiction. Dans le found footage, le panneau classique “based on true events” (« Basé sur des faits réels ») n’est qu’une stratégie pour attirer le spectateur et nourrir cette curiosité d’une réalité altérée par le réalisateur. Il se peut bien que l’histoire se base sur un fait qui soit réel, mais le genre navigue clairement au-delà de la réalité.

 

Son origine se trouverait dans The connection (1961). Le premier film de Shirley Clarke, un drame sur un réalisateur qui cherche à filmer un groupe de junkies pendant qu'ils attendent qu’on leur porte de l'héroïne. Il est vrai qu’au niveau du style, on est sur le bon chemin : une caméra pivote sur toute la salle et les personnages sont conscients d’être filmés. Ce film pourrait se considérer comme un précurseur de ce que deviendra le sous-genre plus tard.

Cannibal Holocaust (1980) serait le premier exemple de vrai found footage comme on le connais aujourd’hui. C’est aussi le premier found footage d’horreur qui va vraiment basculer tout le cinéma. C’est l’histoire d’une équipe de tournage qui part à la rencontre d’une tribu cannibale. L'équipe disparaît peu après leur départ et, deux mois plus tard, on décide d’envoyer un professeur d’anthropologie à leur recherche.

L’histoire commence quand le professeur s’embarque dans l'expédition, le réalisateur nous montre alors quelques images pour nous introduire l'équipe de tournage disparue. On suit le voyage du professeur jusqu'à ce qu’il trouve les rushes de tout ce qui a été filmé. Toute la première moitié est tournée de manière plus traditionnelle, différents types de plan à différentes échelles, les caméras ne sont pas un élément qui existe dans l’univers…

Dans la deuxième moitié, le professeur analyse les images récupérées, lesquelles sont tournées avec les caméras de l'équipe. Cette deuxième partie se transforme en found footage.  

Le film est si intense qu’il futcensuré dans plusieurs pays (et toujours dans certains aujourd’hui), son réalisateur Ruggero Deodato est obligé de comparaître au tribunal afin de démontrer que tout ce qui a été filmé est purement fictif et qu'aucun acteur n’a été blessé sur le tournage. Le film impacte le milieu de l’horreur et l'excessive violence transforme le genre. À partir de Cannibal Holocaust, tout devient plus explicite et le gore devient encore plus réaliste.

Non seulement le film est intéressant dans son approche à la violence, mais c’est aussi le traitement de celle-ci qui marque l’objectif de cette histoire.

Deodato compare deux communautés, la civilisation occidentale et les tribus sud-américaines, deux cultures totalement différentes. Du point de vue des documentaristes, les autochtones sont les sauvages à cause de leur mode de vie primitif. Le renversement arrive lorsque l’on voit les rushes des américains qui violent, détruisent et tuent sans aucun remords. Le professeur finit par se demander à quel point les documentaristes sont plus civilisés que les indigènes. 

Un point aussi intéressant est celui de la manipulation des contenus. On voit comment les documentaristes payent des soldats pour faire semblant de tuer des indigènes, ils brûlent même les huttes d’une tribu pour prétendre filmer un conflit avec une autre tribu. À New York, une exécutive annonce que les gens veulent du sensationnel, l'exagération de la réalité. Le professeur remet en cause ce faux documentaire, le sensationnalisme qui veut altérer la vérité pour son bénéfice. Est-ce du métarécit pour un sous-genre qui aime altérer la réalité face la crédulité du spectateur ?

 

          En voilà un sous-genre fascinant capable de créer une atmosphère par sa simple mise en scène, donnant pied à de nombreuses œuvres qui créeront ce phénomène appelé le Found Footage.

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